Les Fêtes de Notre Montagne à La Martre

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On aurait bien du mal à concevoir de nos jours ces " fêtes costumées" que l'on va découvrir dans cet article. Il faut retourner en 1934, plus précisément les 2 et 3 septembre 1934, immaginer ce qu'étaient les moyens techniques de l'époque, la difficulté qu'il y avait à se déplacer à partir des villes côtières vers La Martre, pour assister à une fête qui y était organisée. Il fallait une réelle motivation et surtout un programme attractif, nous vous laissons le soin d'en juger par vous-mêmes, retour donc à La Martre en septembre 1934.
LES FÊTES DE NOTRE MONTAGNE A LA MARTRE, 2 et 3 Septembre 1934
«  Une fois de plus l’humble village de La Martre, perdu dans un site sauvage entre les plus hauts sommets du département du Var, a revu la foule enthousiaste et sympathique qui lui revient  fidèlement chaque année à l’occasion de la fête des œuvres sociales  Notre Montagne. Le millier d’assistants étrangers enregistré, ordinairement jusque-là, a été amplement dépassé dimanche dernier. Rien que la ville de Grasse, autocars et voitures particulières ont amené plus de 300 visiteurs nouveaux. De Nice, Antibes, Juan les Pins, Cannes, Saint Raphaël, Toulon et de toutes les localités de la région des autos arrivaient sans cesse, se rangeaient en file au bord de la route ou en rangs serrés sur le terrain libre devant les maisons du bas village.
La pluie opiniâtre et glaciale tombée toute la journée, la veille, avait bien inspiré quelques inquiétudes sur le succès de la fête. Mais à La Martre on était certain du beau temps, car un dicton populaire veut que toutes les fêtes de Notre Montagne soient ensoleillées. En effet, samedi soir, lorsque les salves d’artillerie ont tonné sur notre colline, le ciel s’est aussitôt découvert et le lendemain il n’ya pas eu place à la voûte azurée pour le moindre petit nuage.
Selon le programme, à 10 heures, une impressionnante caravane historique représentant  le transfert de Madeleine de la Palud, la sorcière de Michelet, dans sa relégation  à Châteauvieux, s’est formée tout au long de l’unique rue du village. En tête marchait un peloton de mousquetaires à cheval en brillante tenue bleu de roi avec le grand chapeau à la d’Artagnan entouré de la plume panache. Le sergent  (André Verdant), debout sur ses étriers et flamberge au vent, ouvrait la marche. Derrière les chevaux, deux solides gaillards portaient dans une litière seigneuriale l’héroïne du jour, la fameuse Madeleine, vétue en religieuse et les mains enchaînées.
Un groupe de tambourinaires conduit par M. Aimé Arnaud, de la Motte, marchait à sa suite, faisant entendre des airs graves composés au XVIIème  siècle. Puis venait un nouveau groupe de cavaliers montés sur les plus beaux chevaux de la région que les propriétaires avaient été heureux de mettre à la disposition du comité organisateur. C’étaient les marquis et les princesses en grand apparat, suivis de leurs écuyers. Jamais sans doute depuis l’époque du Grand Roi, on n’avait vu dans nos montagnes des costumes aussi somptueux ornés de dentelles, de filets d’or et de pierreries étincelantes. De chaque côté de la route, de temps à autre, crépitait la bravade. A Châteauvieux, autour de l’antique manoir féodal, la population s’était massée pour assister à l’arrivée du cortège. La cérémonie  de la remise de prisonnière à sa cousine et protectrice, Françoise de Gombert (Mlle Jeanne Germain) a eu lieu dans la cour d’honneur en présence du seigneur de Châteauvieux, Fortuné de Demandolx (Adrien Vautel), de Gabrielle  de Blacas (Mlle Jeanne Ignare), du seigneur de La Martre François de Forbin (Louis Dalmas) et de Marguerite de Simiane (Marguerite Travinski). La vérité historique était fidèlement observée dans les costumes, les gestes et les attitudes de cette scène mémorable.
A midi tout le monde était de retour à La Martre, sous les gracieux ombrages de Notre Montagne, harmonieusement pavoisés de couleurs vives a eu lieu un banquet de cent couverts, présidé par les cinq médecins bénévoles de l’œuvre. A la table d’honneur, on remarquait le docteur et Mme Auguste Couderc, le docteur et Mme Raymond Couderc, le docteur Ricord, le docteur Rayol, le docteur René Couderc, le général et Mme Vacher, le commandant et Mme Bouygue,  M. Vigouroux, président de l’Union des anciens combattants de l’arrondissement de Grasse ; M. Roux, professeur au Lycée Louis le Grand, à Paris ; M. le maire de Châteauvieux  et son adjoint ; M. le maire de Brenon ; M. Louis David, adjoint d’Andon et secrétaire de la station de Thorenc ; Mme Louis David, Mdme Vigouroux, M. Siméon Gibelin, vice-président des œuvres sociales de La Martre ; Mlle Emilie Morel, directrice de Notre Montagne ; Mme Arnaud6Michel et M. Charles Michel, de Kingston (Etats Unis).
Des toasts ont été portés aux amis et bienfaiteurs de l’œuvre. Le plus émouvant, celui de M. l’abbé Chaperon a été longuement applaudi.
Dans l’après-midi a eu lieu l’hommage traditionnel aux morts de la Grande Guerre. Une foule énorme entourait le monument surmonté d’un dais majestueux en soie pourpre. L’assistance profondément recueillie a prié pour nos héros glorieux en répondant à l’appel de chaque nom : « mort pour la France ». Les tambourins ont joué la « Marseillaise ». Les seigneurs et les archers sur leurs chevaux ont salué de l’épée.
Peu après, sur le magnifique théâtre de verdure, dans le parc ou flottaient des centaines de drapeaux aux couleurs de Notre Montagne, les enfants du Préventorium ont charmé un vaste auditoire par leurs gracieux ballets, leurs chants joyeux et leurs débits désopilants. M. A. Vautel a fait le récit de la vie tragique de Madeleine de la Palud. Cette évocation, d’une destinée fantastique  avec ses aventures troublantes a provoqué chez tous les assistants une angoissante émotion.
Après  la séance ont eu lieu les divertissements habituels : concours, danses, jeux, etc. Au premier sourire des étoiles, dans la nuit claire, un splendide feu d’artifice faisait éclater ses gerbes lumineuses au sommet de la Crau.
Enfin, cette belle fête s’est terminée au cercle par un concours de romances, anciennes et populaires, sous la charmante présidence de Mme la générale Vacher, assistée du général Vacher, de Mme Raymond Couderc, du commandant Bouygue et de Mlle Emilie Morel. Il était 1 heure du matin lorsque les primes ont été décernées aux lauréats. Peu après l’assemblée joyeuse se dispersait par tous les chemins autour de La Martre. »
Hugues DESGEORGES
(compte rendu publié par tous les grands quotidiens de Provence)

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